Ibn 'Arabi - Le dévoilement des effets du voyage

Cap. 1-30

Au nom de Dieu le Tout-Miséricordieux le Très-Miséricordieux.
Que Dieu répande la grâce et la paix
sur notre seigneur Muhammad et les siens.
§ 1 La louange est à Dieu qui réside dans la Nuée et a pour attribut d'être établi sur le Trône – majesté de Son Essence –, après l'achèvement de la création, depuis celle de Sa terre jusqu'à celle de Ses cieux [cf. § 10-12]. Il fit descendre le Coran dans la Nuit du Destin ou Nuit bénie jusqu'au ciel le plus proche, dans la totalité de ses sourates et de ses versets [cf. § 18-21]. Il fit voyager les planètes dans les mansions du mélange et de l'épuration, proclamant ainsi son propre éloge par les déterminations de Sa toute-puissance [cf. § 13-17]. Il fit voyager de nuit notre seigneur Muhammad Son serviteur – que Dieu lui accorde grâce et paix – depuis la Mosquée sacrée jusqu'à la Mosquée la plus éloignée et de là, jusqu'à la «distance de deux arcs ou plus près» pour lui faire voir certains de Ses signes [cf. § 22-25]. Il fit choir Adam jusqu'à la terre de Son épreuve et le fit sortir de Son Paradis, demeure de Ses délices et de Ses jouissances [cf. § 26-31]. Il éleva Idrîs (Enoch) – sur lui la paix – depuis le monde des créatures puis le fit «descendre» dans le Lieu élevé au plus central de Ses degrés [cf. § 32-36]. Il porta Son prophète Noé – sur lui la paix – dans le fracas des vagues sur la mer de Son déluge, dans l'arche de Son salut [cf. § 37-40]. Il fit partir Abraham, Son ami intime – sur lui la paix –, pour lui dispenser Sa guidance et Ses dons miraculeux [cf. § 41-43]. Il fit sortir Joseph – sur lui la paix – pour le séparer de son père – sur lui la paix – puis le fit rejoindre par celui-ci, afin de le confirmer, lui Joseph, dans la vision de la plus heureuse de Ses bonnes nouvelles [cf. § 46-49]. Il fit voyager de nuit Loth et sa famille pour le sauver de Ses vengeances [cf. § 44-45]. Il fit se hâter Moïse – sur lui la paix – et laisser son peuple, quand il vint trouver son Seigneur au temps fixé par Lui [cf. § 50-54]. Il fit briller pour lui une lumière sous forme de feu afin qu'il se tourne entièrement vers Lui et l'appela à partir de ses besoins [cf. § 61-63]. Moïse s'empressa vers Lui et Il le combla de Ses entretiens intimes [cf. § 55-57]. Il le fit sortir, fuyant son peuple1, pour l'envoyer, comme Prophète, gratifié de Ses messages [cf. § 64-67]. Il fit voyager de nuit son peuple2 pour que se noie celui qui, parmi les rebelles, avait disputé à son Seigneur la seigneurie3. Il le fit partir quand il manqua de convenance à l'égard de Sa science4, à la recherche de celui à qui Il avait enseigné une science émanant de Lui et fait don d'une de Ses miséricordes. Il le fit suivre dans son voyage par Moïse pour lui enseigner ce que Dieu lui avait inspiré de Ses jugements et de Ses sentences5. Il transporta Son prophète Moïse – sur lui la paix – qui n'avait pas encore l'âge de raison, dans Son arche sur la mer de Ses perditions6. Il éleva Jésus – sur lui la paix – vers Lui, car il était une de Ses paroles. Il fit partir courroucé Son prophète Jonas – sur lui la paix – et le tint oppressé dans le ventre d'une baleine au sein de Ses ténèbres. Il fit sortir Tâlût (Saül) à la tête de ses guerriers, parmi lesquels David – sur lui la paix – pour les soumettre à l'épreuve du fleuve afin de s'assurer de qui y puiserait de sa main7. Il fit franchir les horizons à l'Homme-aux-deux-cornes pour dresser une digue entre ceux qui obéissent parmi les serviteurs de Dieu et ceux qui désobéissent8. Il fit descendre l'Esprit Fidèle (Gabriel) sur les cœurs de ceux qui ont reçu Ses prophéties9. Il fit remonter vers Lui la parole excellente sur le burâq de l'œuvre pieuse10 pour l'honorer de la contemplation de Son Essence. Que la grâce et la Paix soient sur notre seigneur Muhammad, le meilleur de ceux qui ont réalisé la qualité de ses Noms et de Ses Attributs, sur les siens: ses compagnons, ses proches, ses épouses, ses fils et ses filles.
§ 2 Les voyages sont de trois sortes et il n'y en a pas quatre. Tels sont ceux que Dieu reconnaît: le voyage venant de Lui, le voyage vers Lui et le voyage en Lui. Ce dernier est le voyage de l'errance et de la perplexité. Celui qui voyage venant de Lui, son gain est ce qui s'est trouvé être11; tel est son gain, alors que celui qui voyage en Lui ne gagne que lui-même. Ces deux premiers voyages ont une fin à laquelle on parvient et on s'arrête, tandis que le troisième, celui de l'errance, est sans fin.
La route suivie par les voyageurs est de deux sortes; l'une par la terre, l'autre par la mer. Dieu – Il est puissant et majestueux – dit: «Il est celui qui vous fait aller par terre et par mer» (10: 22). Il faut noter ici que si Dieu – exalté soit-Il – a mentionné la terre avant la mer et l'a fait avec insistance12, c'est pour que l'on sache que celui qui peut aller par terre ne doit pas, sauf nécessité, le faire par mer13. 'Umar b. al-Khattâb – Dieu l'agrée – disait: «N'était ce verset – et il récitait «Il est celui qui vous fait aller par terre et par mer» – j'aurais frappé de ce nerf de bœuf celui qui voyage par mer». La seule parole divine «certes il y a en cela des signes pour tout homme doué de patience et de gratitude» (31: 31 et 42: 33)14, suffirait comme indication de renoncer au voyage en mer.
Précisons que ces trois voyages, nul ne les accomplit sans s'exposer au danger, à moins d'être porté comme dans le Voyage Nocturne. Quiconque est emmené en voyage est assuré du salut; quiconque voyage par lui-même est en danger.
§ 3 L'existence a pour origine le mouvement. Il ne peut donc y avoir d'immobilité en elle, car si elle restait immobile, elle reviendrait à son origine qui est le néant. Le voyage ne cesse donc jamais dans le monde supérieur et inférieur. De même les réalités divines sont sans cesse en voyage, allant et venant, telle la descente seigneuriale vers le ciel le plus proche15 ou l'établissement ascendant vers le ciel16, comme il convient à la transcendance et à l'absence de toute similitude ou ressemblance. Dans le monde supérieur, les sphères entraînent dans leur rotation perpétuelle, sans le moindre repos, les êtres qu'elles contiennent. Si elles s'immobilisaient, la création serait réduite à néant et l'ordonnance du monde parviendrait à son achèvement et à sa fin. L'évolution17 des astres dans les sphères18 est pour ceux-ci un voyage: «Et la lune, Nous en avons déterminé les mansions» (36: 39). Les mouvements des quatre éléments, des êtres engendrés à chaque minute, le changement et les transformations engendrés par chaque souffle19, le voyage des pensées dans les catégories du louable et du blâmable, le voyage des souffles émis par celui qui respire, le voyage des regards à travers les choses vues en éveil ou en sommeil et leur passage d'un monde à l'autre par la transposition de leur signification20; tout ceci est sans aucun doute voyage pour tout homme doué d'intelligence. Certains considèrent que le monde des corps, depuis l'instant où Dieu l'a créé, ne cesse dans sa totalité de descendre, dans le vide sans fin21. En réalité nous ne cessons jamais d'être en voyage depuis l'instant de notre constitution originelle et celui de la constitution de nos principes physiques22, jusqu'à l'infini. Quand t'apparaît une demeure, tu te dis: voici le terme; mais à partir d'elle s'ouvre une autre voie dont tu tires un viatique pour un nouveau départ. Dès que tu aperçois une demeure, tu te dis: voici mon terme. Mais à peine arrivé, tu ne tardes pas à sortir pour reprendre la route.
§ 4 Que de voyages n'as-tu accompli23 à travers les phases de la création, jusqu'à devenir du sang dans ton père et ta mère. Ils se sont unis pour toi avec ou sans l'intention de te voir manifesté. Tu es passé alors à l'état de sperme puis tu as pris la forme d'une adhérence, puis d'un morceau de chair, puis d'os. Ceux-ci ont été couverts de chair puis, ayant reçu une autre constitution, tu as été expulsé vers ce monde et tu es passé à l'état d'enfance. De l'enfance tu es passé à la jeunesse, de la jeunesse à l'adolescence, de l'adolescence à la force juvénile, de celle-ci à la maturité, de la maturité à la vieillesse et de la vieillesse à la décrépitude, l'âge le plus avilissant24. De là, tu es passé à l'état intermédiaire entre ce monde et l'autre et dans cet état, tu as voyagé vers le Rassemblement final. Puis tu as entrepris le voyage vers le Sirât25, soit vers un jardin paradisiaque, soit vers un feu infernal, si tu y es voué; sinon, tu as voyagé de l'Enfer vers le Paradis et du Paradis vers la Dune de la vision divine26. Dès lors, tu ne cesses d'aller et venir entre le Paradis et la Dune, pour toujours. Dans le Feu, les damnés voyagent sans discontinuer de haut en bas et de bas en haut comme des morceaux de viande dans une marmite sur le feu: «Dès que leurs peaux sont cuites nous les remplaçons par d'autres, afin qu'ils goûtent le châtiment» (4: 65).

§ 5 Il n'y a donc aucune immobilité. Le mouvement dans ce monde est continuel. Nuit et jour se succèdent, comme se succèdent les pensées, les états et les dispositions selon l'alternance de la nuit et du jour et des réalités divines en toutes ces choses. Tantôt ces dernières descendent sur27 le nom divin le Très-Miséricordieux, tantôt sur le nom Celui-qui-appelle-au-repentir, tantôt le Très-Pardonnant, tantôt le Très-Pourvoyant, tantôt Celui-qui-donne-sans-compter, tantôt le Vengeur, ainsi de tous les noms de la Présence divine. Ces noms font également descendre vers toi ce qu'ils contiennent de don, de pourvoyance, de vengeance, d'appel au repentir, de pardon et de miséricorde. Il y a donc descente de ta part vers ces réalités divines par ta demande; descente de leur part sur toi par le don.

§ 6 Le serviteur doit donc faire un retour sur lui-même en réfléchissant et méditant sur la distinction entre, d'une part, le voyage auquel la Loi divine lui impose de se préparer et dans la préparation duquel réside son bonheur: le voyage vers Lui, en Lui et de Lui, autant de voyages institués par la Loi; d'autre part, le voyage...

Le dévoilement des effets du voyage

Ibn 'Arabi, Sheikh al Akbar
Cap. 31-60
§ 31 L'un des effets de ce voyage fut la connaissance de la composition, de la croissance et de la dissolution. Adam connut ainsi la constitution de son édifice corporel selon la succession des cycles, contrairement à la formation du Paradis qui s'accomplit en une seule fois pour celui qui peut la voir. Il sut aussi que dans le Paradis on aspire à la jouissance et aux délices; dans ce monde on aspire à l'accroissement et à la recherche de la science. Pour cette raison l'homme connaît ici ce qu'il ne connaît pas là-bas. Ce voyage produit de nombreux effets semblables. Mais les voyages sont nombreux et je crains d'être trop long. Ce voyage adamique comporte des connaissances si nombreuses qu'il faudrait lui consacrer un recueil à part et ainsi en est-il pour tous les voyages que nous avons mentionnés et que nous mentionnerons dans ce livre. Complète donc ce que nous avons tu, en suivant ce dont nous avons déjà parlé, tu seras bien dirigé, si Dieu veut – Il est puissant et majestueux –.
§ 32 le voyage d'Enoch (Idrîs) – sur lui la paix – ou le voyage de la dignité et de l'élévation en lieu et degré83.
Dieu – exalté soit-Il – dit: «Et mentionne dans le Livre Enoch; il était très-véridique et prophète et nous l'avons élevé en un haut lieu» (19: 57)84. On dit qu'il fut le premier des fils d'Adam à écrire au moyen du calame85. Le premier influx spirituel du Calame supérieur fut pour lui – sur lui la paix –. Il avait été emmené en voyage nocturne jusqu'au septième ciel; tous les cieux se trouvèrent donc embrassés par lui.
§ 33 Sache que Dieu a fait de tous les cieux le réceptacle des sciences cachées relatives aux êtres qu'Il doit faire venir à l'existence dans le monde: substance ou accident, petit ou grand, état ou mutation. Il n'est de ciel où n'ait été déposée une science confiée à son gardien. Dieu a déposé la descente de Son ordre vers la terre dans les mouvements des sphères célestes et dans le passage de leurs astres par les mansions de la huitième sphère. Il a instauré pour les astres de ces sept cieux conjonctions et séparations, montée et descente. Il leur a conféré des influences différentes et provoqué une attirance entre les uns, une répulsion totale entre les autres. Ce qui provoque leur répulsion est le dépôt en l'un du contraire de ce qui est déposé dans l'autre, non qu'ils soient ennemis, mais Dieu ayant créé les habitants des cieux selon des réalités supérieures, elles entraînent inéluctablement ces oppositions. Il a voué ces êtres à l'obéissance et à la glorification de leur Seigneur: «Ils ne désobéissent pas à ce que Dieu leur a ordonné» (66: 6). On rapporte ainsi de Mâlik, le gardien du Feu, qu'il est créé de telle manière qu'il ne rit jamais, au contraire de Ridwân86, créé de joie et de gaieté. Or, ils sont tous deux des serviteurs pieux et obéissants; aucune hostilité ni haine ne les opposent. Toutefois les effets de ces oppositions dans le monde inférieur sont suscités par ces réalités supérieures. La jalousie et l'hostilité interviennent entre nous, pris que nous sommes par nos propres intérêts, mais leur origine remonte à ces mêmes réalités. L'absence de répulsion entre deux êtres en harmonie vient de ce que l'un a été existencié différent de l'autre, mais non comme son contraire; tout contraire est différent, mais tout différent n'est pas contraire. L'intendant87 du septième ciel est en opposition avec celui du sixième, à tel point que lorsque la science de l'ange du sixième ciel doit passer sous l'autorité de l'ange auquel elle est confiée dans le septième ciel, ce dernier corrompt ce qui a été instauré par le premier et réciproquement en passant du septième au sixième ciel. Pourtant ce n'est pas que l'ange corrompe ni qu'il instaure, comme nous disons, c'est qu'il se conforme à l'ordre de son Seigneur et s'acquitte de ce qui lui est confié. Cet ordre est celui que Dieu a inspiré aux cieux comme il le dit Lui-même: «Et Il inspira à chaque ciel son ordre propre» (41: 12)88.

§ 34 En admettant cela, tu dois savoir que ce fait ne porte nullement atteinte au credo; sinon quel sens aurait la parole divine «et les étoiles soumises par Son ordre» (16: 12). Par quoi, ô mon frère, les a-t-Il soumises? Dieu n'a-t-Il pas soumis certains êtres à d'autres et n'a-t-Il pas dit: «Et Il vous a élevés les uns au-dessus des autres par degrés pour que les uns prennent les autres soumis à leur service» (43: 32), «et Il a soumis pour vous ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre» (45: 13)? Dieu dit donc qu'il y a des choses qui nous sont soumises dans le ciel, comme sur la terre. La foi d'un musulman n'est pas mise en cause parce qu'il sait ce qui a été inspiré au ciel comme ordre et ce pour quoi son monde a été soumis. S'il n'en était pas ainsi, on pourrait l'affirmer de tout ce qui est dans le ciel et la terre. Or, à chaque moment nous avons recours aux causes que Dieu a mises en place pour nous et qu'Il nous a fait connaître comme soumises et non agentes. Nous nous réfugions en Dieu «et je ne Lui associe rien» (72: 20). Le Législateur n'a déclaré mécréant que celui qui croit que l'acte revient aux astres et non à Dieu ou qu'Il agit par leur intermédiaire; croire cela est mécréance et associationnisme, mais non pas considérer qu'ils sont soumis et qu'ils suivent le cours que leur a assigné la sagesse divine. Bien plus, ignorer ce que Dieu a déposé dans les astres, ce qu'Il leur a inspiré et ce qu'Il a placé en eux comme effets de Sa sagesse, c'est laisser échapper abondance de bien et grande science. Et «qu'y a-t-il après la vérité si ce n'est l'erreur ?» (10: 32).
§ 35 Enoch – sur lui la paix – sut par la science que Dieu lui avait inspirée que Dieu avait lié entre elles toutes les parties du monde et soumis certains êtres à d'autres. Il vit que le monde des éléments est réservé aux êtres engendrés. Il considéra les conjonctions et les séparations des astres dans les mansions célestes, les différences entre les êtres et les mouvements des sphères, les uns rapides, les autres lents. Il sut qu'en réglant sa marche et son voyage sur le mouvement lent, il faisait entrer le mouvement rapide sous l'autorité de ce dernier, car le mouvement est circulaire, non rectiligne, et le cycle d'un être petit et rapide doit nécessairement revenir à celui qui est lent. Il apprit ainsi, en côtoyant celui qui avance avec pondération, la raison d'être de celui qui va vite89. Comme Enoch ne vit tout cela que dans le septième ciel, il y resta trente ans à suivre sa rotation à travers la sphère des constellations du zodiaque. Il se tenait au centre de la rotation exercée par l'intendant de ce ciel, ainsi que dans la sphère portant la sphère de la rotation et dans la sphère portant les sphères des rotations, celle que parcourt la sphère des signes du zodiaque. Ayant eu la vision de ce que Dieu avait inspiré dans le ciel ainsi que des astres près d'entrer en conjonction avec le signe du cancer, il sut que Dieu allait inéluctablement faire descendre une quantité d'eau immense et un déluge général. Grâce à ce qu'il avait réalisé comme science en parcourant les degrés de cette sphère, il reçut une science à la fois totale et distinctive.
§ 36 Puis il redescendit, et choisit parmi les adeptes de sa religion et de sa loi, ceux chez qui il avait reconnu sagacité et pénétration. Il leur enseigna ce qu'il avait contemplé et ce que Dieu a déposé comme secrets dans ce monde supérieur. Parmi ce dont la connaissance a été déposé dans les cieux, un immense déluge, l'anéantissement des hommes et l'oubli de la science. Voulant que cette science perdure pour ceux qui viendraient après, il ordonna qu'on l'inscrivît sur les rochers et les pierres. Par la suite, Dieu l'éleva dans le haut lieu. Il descendit dans la sphère du soleil, la quatrième, au centre des sphères célestes correspondant au cœur, car au-dessus se trouvent cinq régions et de même au-dessous. Dieu lui octroya au cours de ce voyage par lequel Il l'éleva vers Lui, la station de pôle et la constance. Il fit tourner toute chose autour de lui. Auprès de lui se réunit ce qui monte et ce qui descend. Ce voyage produisit pour lui comme effet, la science du temps et des siècles et de ce qui doit advenir, or la science du temps est l'une des connaissance infuses les plus sublimes. Un autre de ses effets fut la connaissance de la réalité spirituelle de la nuit et du jour et de ce qui y trouve repos90.
Celui qui, comme Enoch, voyage vers le monde de son cœur, voit le monde angélique le plus grandiose et à lui se manifeste la théophanie du monde suprême de la Toute-Puissance. Il aperçoit aussi le secret de la vie, esprit par lequel elle se propage dans tous les animaux. Il fait la différence entre l'esprit de beaucoup et l'esprit de peu, rend à chacun son dû, a connaissance des degrés de ses propres âmes inférieures et de ses esprits supérieurs, de la façon dont les conséquences jaillissent des principes et comment les conséquences retournent à leurs principes, ainsi que la forme de l'univers et la sagesse divine qui préside au cycle et autres connaissances semblables. Ceci suffit pour le voyage d'Enoch – sur lui la paix –.
§ 37 le voyage du salut ou le voyage de Noé – sur lui la paix –.
Noé – sur lui la paix – sut qu'approchait le temps de la conjonction astrale que Dieu dans Sa sagesse avait déterminée et provoquée91. Il vit qu'elle se produirait dans le signe du cancer dont l'élément est l'eau. C'est dans ce signe chan

Le dévoilement des effets du voyage

Ibn 'Arabi, Sheikh al Akbar
Cap. 61-70
§ 61 le voyage du dévouement pour les siens.
Par un beau dévouement pour ma famille, j'ai trouvé
mon Seigneur. Dans mon occupation, [Il m'a dévoilé Sa sollicitude.
N'étaient les miens, je n'aurais pas été un serviteur rapproché,
ni un de ceux qui ont reçu maîtrise et mérite.
Mon âme n'aurait pas suivi, si je lui avais interdit
de s'occuper des créatures, la plus droite des voies.
Je me suis trouvé aux côtés du Choisi, à l'ombre de Son Trône,
quand les Ansar venaient avec les envoyés.
Dieu – exalté soit-Il – dit (par la voix de Moïse): «J'ai aperçu un feu; peut-être vous en apporterai-je un tison ou trouverai-je par ce feu une guidance» (20: 10). Vois donc la force de la prophétie: Moïse trouva de fait la guidance. Cette parole montre que Moïse n'avait pas affirmé que ce qu'il avait vu était nécessairement un feu. Tout feu est lumière lorsqu'il brûle et les lumières sans aucun doute consument les corps combustibles et inflammables, ainsi que le rapporte la tradition authentique: «... Les fulgurations de Sa Face brûleraient les créatures qu'atteindrait Son regard»131. Les fulgurations sont des lumières et cette tradition nous apprend que les rayons de ces fulgurations exercent un effet comparable à la perception de l'œil.
§ 62 Sache qu'une même chose peut comporter des aspects différents. En tant qu'elle est comme ceci, elle se présente comme ceci; en tant qu'elle est comme cela, son statut diffère. La chose vue n'est pas identique à la chose sue et la chose sue n'est pas identique à la chose entendue, même si le moyen de la perception est une réalité unique en soi et distincte dans ses relations. Du point de vue de cette réalité unique, on peut dire qu'on entend, qu'on voit, qu'on parle, etc. par cette même réalité. Un certain spéculatif attribue à chaque mode une perception particulière différente de l'autre et considère donc la perception comme multiple. Nous ne sommes pas de cet avis et nous ne l'approuvons pas, nous ne le citons que pour que le lecteur sache que quelqu'un l'a professé. La différence des relations vient de ce à quoi elles se rapportent, non de ce qui s'y rapporte.

L'entité est unique et le statut divers.
Le professent des hommes de spéculation.
Dieu est trop grand pour que l'on connaisse Ses desseins
envers Ses créatures, mais Il propose signes et enseignements.
La divinité est trop majesteuse pour que l'intellect la conçoive,
Sa mesure insurpassable n'est pas à la portée de l'être humain.
Elle a pourtant en nous, comme l'affirme la Parole divine
des formes reconnues contenant d'autres formes132
Qui s'inclinent133 devant la forme de Celui à qui l'on attribue des formes.
Comme tu vois, à toute forme correspond une sourate.134
§ 63 Sache que tout le bien réside dans le dévouement pour autrui, dont fait partie le dévouement pour la famille. La noblesse d'une famille dépend de celui auquel elle se rattache. Ainsi la tradition rapporte que «les gens135 du Coran sont les gens de Dieu et Son élite»136. L'immense récompense de celui qui se dévoue pour Dieu n'a d'autre raison que son appartenance à Ses gens. Comprends donc ! Si la sollicitude divine pour les gens de la Maison prophétique muhammadienne est telle que Dieu nous l'a dit dans ce verset: «Dieu veut écarter de vous l'infamie (rijs), ô Gens de la Famille et vous purifier totalement.» (33: 33) ¬ Al-Farrâ'137, interrogé sur ce qu'était le rijs, répondit: la souillure (qadhar) ¬; si Dieu donc veut pour les gens de la Maison prophétique écarter l'infamie et les purifier, que penser des Gens du Coran qui sont Ses Gens et Son élite? Louange à Dieu qui m'a fait des leurs. Le moindre des degrés pour appartenir à Sa famille est de porter les lettres du Coran conservées dans la poitrine. Si, en plus, ce que l'homme porte ainsi devient son caractère, le réalise véritablement au point d'en être une de ses modalités138, alors vivat et encore vivat !
On m'a rapporté sur Abû l-'Abbâs al-Khashshâb139, compagnon d'Abû Madyan140 – Dieu l'agrée – à Fès, l'anecdote suivante. Un homme vint le trouver tenant dans sa main un livre sur la Voie. Il lui en lut une bonne partie, mais Abû l-'Abbâs restait silencieux. L'homme finit par lui dire:
– Maître, pourquoi ne me parles-tu pas à ce sujet ?
– C'est moi que tu dois lire, lui rétorqua Abû l-'Abbâs.
L'homme trouva la réponse un peu forte. Il se rendit auprès de notre maître Abu Madyan et lui dit:
– Ô notre maître, j'étais chez Abû l-'Abbâs al-Khashshâb et lui lisais un livre d'enseignement spirituel pour qu'il me le commente et il s'est contenté de me répondre: «C'est moi que tu dois lire!».
– Abû l-'Abbâs a dit vrai, répartit le Shaykh. De quoi traitait ce livre ?
– Du renoncement, du scrupule, de la confiance et de l'abandon en Dieu et de tout ce qu'exige la voie vers Dieu.
– Était-il question d'un état spirituel qui n'était pas celui d'Abû l-'Abbâs, demanda le Shaykh?
– Non, répondit l'homme.
– Si les états spirituels d'al-Khashshâb équivalent à tout ce que contient ce livre et que tu n'as pas trouvé dans ses états matière à exhortation ni acquis ses vertus, en quoi peut te profiter le fait de lire ce livre devant lui et de lui demander de te le commenter? Il t'a exhorté par son état spirituel et avec quelle éloquence!
L'homme s'en fut alors, tout honteux. Cette histoire m'a été rapportée par le hâjj 'Abdallâh al-Mawrûrî141, à Séville, dans une assemblée. Vois donc, mon ami, combien est excellente et admirable leur façon de suivre et d'enseigner la Voie. Que Dieu nous compte parmi eux et nous accorde de les rejoindre. C'est Lui qui s'en charge et en a le pouvoir.
§ 64 le voyage de la peur

J'ai fui de moi vers Lui,
J'avais peur de Lui pour Lui.
Car mon âme ignore
quel sera son ultime retour.
Dieu – exalté soit-Il – dit [par la voix de Moïse]: «Je vous ai fui lorsque j'ai eu peur de vous, puis mon Seigneur m'a conféré une autorité et m'a établi parmi les envoyés» (26: 21). Il dit aussi: «Il en sorti apeuré, aux aguets» (28: 21).

Il n'est de jour écoulé, décrétant notre ultime retour
sur lequel je n'ai pleuré.
J'ai vu bien des choses, toutes entre Ses mains,
suivre la loi de mon instant, mais auprès de Lui,
[c'est Sa Loi qui s'exerce sur moi.
La peur fait partie de la station de la foi, ainsi que Dieu – exalté soit-Il – le dit: «N'ayez pas peur d'eux, mais ayez peur de Moi, si vous êtes croyants» (3: 175). Il est dit des anges: «Ils ont peur de leur Seigneur au-dessus d'eux et font ce qui leur est ordonné» (16: 50). À d'autres, Il adressa cet éloge: «Ils ont peur d'un jour où les cœurs et les regards seront renversés» (24: 37). À chaque plan d'existence correspond une peur spécifique, si tu réalises bien cela. Toute peur ne s'attache qu'à ce qui vient de Dieu et relève de l'existence contingente. On n'a peur que des êtres contingents existenciés par Dieu et c'est donc à l'Existenciateur que notre peur s'attache, selon Sa parole: «Mais ayez peur de Moi, si vous êtes croyants». Dieu a donc fait de la peur le résultat de la foi, qui doit s'en tenir à ce que Dieu a enseigné et à ce qu'a transmis le Véridique. En effet, la science sans la foi ne provoque pas la peur. De plus, comme il est prouvé que le monde est l'œuvre de Dieu – exalté soit-Il – et qu'Il est très-Savant et très-Sage, celui-ci est donc la plus belle des œuvres qu'ait produite un savant et rien n'indique sa corruption. Toutefois il passe d'un état et d'une demeure à l'autre et ceci n'a rien d'impossible. C'est ce passage qui provoque chez les initiés la peur de Dieu, car ils ne savent pas ce que Dieu veut d'eux ni où Il les transportera ni dans quelle qualité et degré Il les distinguera. Laissés dans l'incertitude, grande est leur peur de Dieu.
§ 65 Quant aux anges, leur peur est de descendre d'un rang vers un rang inférieur. Ne dit-on pas qu'Iblîs comptait parmi les adorateurs de Dieu les plus fervents ? Il n'obtint que bannissement et éloignement de la félicité qu'il espérait en échange de son adoration. Lorsque pour lui la parole du châtiment s'accomplit, il retourna vers le feu, son élément originel, et c'est par ce feu seul qu'il fut châtié. Gloire donc à Dieu, le Juge équitable. Les hommes de Dieu ont peur du remplacement de leur état par un autre. C'est ce qui les incite à surveiller à chaque souffle leurs états avec Dieu – Il est puissant et majestueux –, d'autant que Dieu dit: «Et si vous vous détournez, il vous remplacera par un peuple autre que vous qui ne sera pas semblable à vous» (47: 38), c'est-à-dire: dans l'opposition à l'ordre de Dieu que vous avez montré, il posera au contraire le pied le plus parfait et le plus ferme dans l'obéissance à Dieu.

N'était Dieu, la station n'aurait pas été connue,
ni derrière ni devant n'aurait existé.
§ 66 Par Dieu nous sommes venus à l'existence, vers Lui nous avons été appelés et renvoyés: «N'est-ce vers Dieu que va le devenir des choses?» (42: 53). Quand Dieu m'établit dans la station de la peur, j'avais peur de regarder mon ombre, de crainte qu'elle ne soit un voile entre moi et Dieu. Dans ces conditions, ce monde ne saurait être une demeure sûre, même si l'homme y reçoit l'annonce de son bonheur futur, car ce monde est un lieu où la part de chacun peut diminuer. La raison en est l'imposition de la Loi. Dès que cesse cette imposition, discours du Législateur sous forme d'ordre et d'interdiction, la peur adventice quitte le serviteur. Seule reste la crainte révérencielle. Sa peur n'est plus que crainte révérencielle dans la contemplation divine. Le poète a décrit ainsi le sentiment de majesté que l'on éprouve en présence de certaines personnes:

Immobiles, comme si des oiseaux se tenaient sur leurs tête
non par peur d'injustice, mais par peur majestueuse.
Que Dieu nous compte parmi les gens de la crainte révérencielle, ceux qui Le magnifient. Il en est ainsi lorsque le pouvoir de la grandeur divine s'empare du cœur du serviteur que la Sollicitude porte vers les lieux de contemplation sacro-saints et divins.
§ 67 Sache que khafâ' 142 en arabe peut exprimer la manifestation, comme dans le vers d'Imru l-Qays143:
... Il les fit se montrer et sortir (khaffâ-hunna) de leurs trous.
Il fit se montrer, car les gerboises aménagent dans leur trou deux portes. Quand un chasseur se présente à l'une, elles sortent par l'autre. Ce trou s'appelle nâfiqâ' et pour cette raison l'hypocrite (munâfiq) se nomme ainsi. Celui-ci à deux visages, l'un avec lequel il fait face aux croyants et montre qu'il est avec eux et l'autre qu'il tourne vers les incroyants en leur montrant qu'il est avec eux. Dieu dit aussi de celui qui voudrait «un trou sous la terre» (6: 35): si les ennemis te poursuivent d'un côté, tu pourrais sortir de l'autre pour chercher le salut et leur échapper «et si Dieu l'avait voulu, Il les aurait réunis dans la guidance» (ibid.); vous seriez alors gens d'une seule porte. Les Hypocrites, au temps de l'Envoyé de Dieu – que Dieu répande sur lui la grâce et la paix – venaient trouver les croyants avec un visage leur montrant qu'ils étaient avec eux, tout en disant aux autres: «Nous ne faisons que nous moquer». Dieu annonce que Lui aussi «se moque d'eux» (2: 14 et 15) parce qu'ils n'ont pas conscience de ce qu'ils font envers les croyants. Ceci est un effet de la ruse divine, comme il est dit: «Ils ont ourdi une ruse et Nous en avons ourdi une autre, sans qu'ils en aient conscience» (27: 50). Car si l'on en a conscience, ce n'est plus une ruse.
§ 68 le voyage de la méfiance

Il m'a été révélé d'emmener de nuit
mon âme et les miens dans le monde
[de la création et de l'ordre.
Car le Dieu, le Vrai, mon Seigneur a décrété
la mort de l'ennemi de la religion
[dans le tourment de la mer.
Dieu – exalté soit-Il – dit, rapportant les paroles d'une certaine personne144: «Et tous, nous sommes méfiants» (26: 56). Or la méfiance est le résultat d'une peur. Dieu dit: «Montrez votre méfiance !» (4: 71), car celui qui montre de la méfiance envers une chose n'est pas surpris par elle. On est surpris le plus souvent du côté où l'on croyait être à l'abri. L'homme intelligent ne doit se sentir en sécurité que du côté assuré par Dieu, car Sa parole est vérité: «Le faux ne l'atteint ni par devant ni par derrière» (41: 42) et Il est le Véridique – gloire à Lui –. Cette méfiance est profitable, si la prédestination lui vient en aide. Comme il est dit: «méfiance ne sauve pas du destin»145, à moins que cette méfiance ne fasse elle-même partie de la prédestination; elle sera alors la cause du salut. Nous l'avons exprimé de façon extrême dans ce vers:

O méfiance de ma méfiance !
Si seulement me servait ma méfiance.
§ 69 La méfiance la plus extrême est donc de se méfier de prendre la méfiance comme appui. Par miséricorde envers nous, Dieu – exalté soit-Il – nous a engagés à nous méfier de Lui, ce qui est le plus haut degré de la méfiance, en disant: «Et Dieu vous engage à vous méfier de Lui et Dieu est compatissant pour les serviteurs» (3: 30). Par compassion, Il nous a mis en garde contre Lui, car «il n'est rien qui Lui soit semblable» (42: 11); Il n'est jamais connu que par l'impuissance à Le connaître. Ceci revient à dire: il n'est pas tel et tel, tout en affirmant ce qu'Il a affirmé de Lui-même, ce que nous faisons par foi, non par notre intelligence ni notre spéculation. Nos intelligences ne peuvent qu'admettre de Sa part ce qui Lui revient. Il est le Vivant, «il n'est pas d'autre dieu que Lui, le Roi, le Très-Saint, la Paix, Celui qui accorde la sauvegarde, le Protecteur, le Tout-Puissant, le Réducteur, Celui qui proclame Sa grandeur», «Celui qui sait ce qui est caché et ce qui est visible, le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux», «le Créateur, le Producteur des êtres, le Donateur des formes» (cf. 59: 22-24), le Très-Sage et autre qualités semblables. Nous croyons en tout ce qu'Il nous a enseigné à Son sujet, non d'après notre interprétation, mais selon la science qu'il en a: «Il n'est rien qui ne Lui soit semblable et Il est Celui qui entend, Celui qui voit» (42: 11). Il ne se laisse appréhender ni par l'intellect ni par la spéculation. Nous n'avons de science à Son sujet par voie affirmative que ce qu'Il nous a fait parvenir dans Ses livres ou par la voix des envoyés, Ses interprètes, rien de plus. Le mode de relation de Ses noms à Lui-même ne nous est pas connu, car la connaissance de la relation à une certaine chose dépend de la science qu'on a de cette chose, ce qui n'est pas ici le cas, car nous n'avons pas la science de cette relation spécifique. La pensée, la réflexion et celui qui réfléchit battent le fer à froid. Que Dieu nous compte, vous et nous, parmi ceux qui ont fait preuve d'intelligence et se sont tenus à ce qui leur est parvenu de Sa part ¬ gloire à Lui ¬ et à ce qui a été transmis à Son sujet.
§ 70 Sache que le voyage de la méfiance conduit du sensible vers l'intelligible, des délices vers le supplice, du voile protecteur vers la théophanie et de la mort vers la vie attachée aux êtres produits par notre connaissance du monde. Ce voyage mène à la science de la constitution humaine et de son origine du point de vue de sa corporéité, à la science du mouvement vertical, mais non du mouvement courbe et horizontal, même si ces derniers sont connus par voie de conséquence, à la science de toute station qui lui apporte un surcroît de grâce, à la vision en transparence au-delà de cette station et au rejaillissement sur soi-même de la lumière de tout ce qu'on voit et qui se présente à soi, en y trouvant plaisir et délice. Dans cette station et cette qualité, on prend connaissance de la science de la transmission par héritage; dans quelles conditions, de quoi et de qui hérite-t-on et qui est l'héritier? C'est à partir de ce voyage que l'on connaît les orients des lumières et les levers des croissants des secrets. Ceux qui l'accomplissent se méfient de la perception des Attributs qui provoquent l'extinction de leur essence et de la jouissance qu'ils en tirent. Cependant ils finiront par traverser sains et saufs ce dont ils se méfiaient. Quelle que soit la force de leur ennemi, ils seront les vainqueurs grâce au secours de Dieu, car Sa puissance est irrésistible et invincible, Lui le Tout-Puissant, le Très-Miséricordieux. Si le serviteur réalise la qualité attachée à cette station, Dieu le prendra par la main en toute chose et le guidera vers son salut. Il reçoit le don miraculeux de marcher sur les eaux, d'échapper aux ennemis, qu'ils soient hommes ou esprits, et de voir leur anéantissement. Ce voyage produit comme effet la proximité divine doublée de la félicité éternelle. Dans cette station, celui qui accomplit ce voyage est à l'abri de tout ce dont il se méfie et qui risque de le couper de cette félicité. Quand bien même l'attaqueraient tous les habitants de la terre, il les vaincrait et l'emporterait sur eux. Le dévoilement dont il est gratifié lui donne accès aux plus mystérieux des secrets, car sa lumière dissipe tout doute et ignorance, abolit toute illusion et mensonge et donne à l'âme courage, intrépidité et force. L'homme y accomplit par son énergie spirituelle ce qu'il ne pourrait accomplir autrement en dimension et en nombre. Toutefois celui qui entreprend ce voyage est pris dès l'abord d'inquiétude naturelle, de «resserrement de poitrine» et de peur parce qu'il constate au début de sa route sa propre faiblesse et la force de cette station. La faiblesse et l'abaissement qui lui sont inhérents lui procurent dignité et force. La science de l'extérieur et de l'intérieur lui est dévoilée et plus rien ne lui reste caché. Dieu le prend en charge et l'assiste quand il sort de cette station pour guider et diriger les hommes. Il lui annonce son bonheur futur pour le rassurer et l'inciter davantage à transmettre le message, car la peur l'en empêche et le manque de courage l'en détourne. Mais Dieu assiste ce voyageur qui en ressent réconfort et appui. Enfin, il reçoit l'argument décisif, la force et le triomphe sur ses adversaires. «Et Dieu dit la vérité et Il guide sur la voie.»